Les oiseaux
Pour bouger un peu pendant les journées de première année et ainsi calmer les petites jambes qui ont envie de gigoter, il faut se rendre jusqu'aux toilettes des grands en faisant des mouvements de flamants.
Alors, on quitte la classe comme des oiseaux. Avec des bras grands comme des ailes qui s'élèvent jusqu'au ciel et des poses en équilibre de flamants roses. On parcourt les couloirs de l'école, croisant les intervenants incrédules et le petit fuyant sa classe, tout aussi étonné devant cette drôle d'envolée.
Parfois, Mme Marie-Andrée, qui doit faire la route à reculons pour surveiller ses oisillons, manque de se tuer en trébuchant dans le couloir en pente, mais qu'importe. On garde le silence en dehors de la classe même si on a très envie de rigoler et que, complices, les petits nez se plissent.
Avant de quitter la classe, on a ouvert grand les fenêtres pour tuer les microbes, assez pour que la petite fée différente, au retour, souffle encore et encore dans ses mains, fascinée d'y voir naitre de la buée.
Après la récré, la petite fée a besoin d'aide avec son cahier de calligraphie. On reprend donc les lettres qui ont elles aussi envie de gigoter. Quand Mme Marie-Andrée parle des petits animaux qui doivent rester dans leur cage, les trottoirs du cahier prennent une autre forme. Pendant un moment, les lettres cessent de prendre la fuite. Elles se réfugient les unes après les autres, presque droites entre leurs trottoirs. Les animaux dorment dans leur cage, la petite fée est fière.
Puis, l'après-midi, on bricole des ours polaires. On colle les bureaux comme des iles et on fait la statue au son du carillon. Bien sûr, le chaos revient plus souvent qu'autrement, malgré les iles à ne pas quitter, le carillon à écouter. Mais les petites voix de souris, ici et là, reprennent la phrase préférée de Mme Marie-Andrée : "On n'est pas au zoo de Granby!" Et les petits nez se plissent encore, chatouillés par les rires. Même celui de Mme Marie-Andrée.
Il fait noir lorsque Mme Marie-Andrée quitte enfin la classe. C'est vrai qu'il faut prendre le temps de ranger après le tourbillon de la journée. Mais, la vérité, c'est que Mme Marie-Andrée n'avait pas imaginé que son coeur puisse battre aussi fort. Alors, elle reste là, immobile dans cette vie minuscule.
Et, par la fenêtre, elle regarde le ciel, y imagine de grands oiseaux et s'émerveille.