Tant pis pour l'amour

Mardi.

Au petit matin, sur la cour de récréation des élèves de maternelle et de première année, alors que les conflits liés aux forts construits, pris et détruits se multiplient, une petite a un secret important à me confier : "Je suis habillée en fleur." Mon coeur arrête de battre.

Pendant la collation, une dent s'éjecte littéralement de la gencive d'un coco et se perd sur le plancher, créant ainsi une mini-apocalypse dans la classe de première année. C'est juste avant que les enfants découvrent une "goutte de sang de dent sur le plancher, Mme Marie-Andrée!" Petite fin du monde.

Sur l'heure du dîner, ma mini-fée est seule avec Mme Lancy, la saison des gastros et autres virus qui bat son plein ayant décimé le cortège des perroquets des mers. On se fait un moment précieux de filles pendant que la petite admire son nouveau bricolage.

- Moi, j'aurai jamais d'amoureux, qu'elle lance, pensive. - Jamais?

Elle réfléchit, ne quitte pas son sapin de carton des yeux, nuance sa pensée:

- Jamais à date.

Mme Lancy la rassure:

- Tu as plein de temps.

Dans l'après-midi, on reprend la leçon sur la religion. Je tente de nouvelles approches:

- Connais-tu un lieu dans lequel on raconte l'histoire de Jésus?

Les petits se regardent.

Je veux les aider:

- C'est un petit mot qui commence par "É".

Les mains se lèvent. Ils sont si fiers:

- Un IGLOO!

Après les "cartons de rêves" de la veille, plus rien ne m'étonne. On pouffe de rire tous ensemble.

Puis, on parle des totems et de la signification de chaque animal. Devant l'ours, symbole de la force et de l'amour, un coco s'insurge:

- C'est poche, l'amour. Moi, j'aime mieux être courageux!

Ils ont 6 ans et ils veulent être courageux.

Quand on y pense, Mme Lancy a raison : l'amour peut bien attendre.