Apprendre à la dure (bis) ou la fois des boules
Vendredi typique chez les minis.
L'histoire commence dans la cour d'école où je suis à quatre pattes sur la glace à côté d'un grand qui hurle sa vie en crachant de la terre.
Il est 7h45. Je suis déjà à quatre pattes et excédée.
Je relève la tête pour m'adresser aux grands qui nous observent, car il n'y a bien sûr pas moyen de se retrouver dans une position aussi disgracieuse sans témoins. J'essaie d'être digne et en contrôle:
- Je vous ai dit de ne pas lancer de boules de neige.
Ils osent répondre:
- C'tait pas d'la neige, c'est d'la terre pis du gazon.
Je ravale ma réplique de façon digne, reviens à l'enfant qui vide ses orifices de terre et de gazon. Il pleure:
- J'en ai dein yeux!
Il renifle:
- J'en ai dans l'nez!
Il crache. On dirait qu'il a avalé la cour entière. Je ne suis plus digne. Je suis à quatre pattes et triste. Je lui tends ma mitaine de laine:
- Essuie-ton visage avec ma mitaine.
Il hoquette:
- Pis pour mon nez?
- Tu te moucheras avec l'autre.
En après-midi, on bricole des boules de Noël avec de la laine, des ballons et de la colle à tapisserie. Un projet-suicide idéal pour un vendredi après-midi. Tant qu'à y être, on rassemble deux groupes dans une même classe:
- Comme ça, on sera plus en contrôle, me dit ma collègue à l'optimisme légendaire.
Moi, j'ai fait le deuil de mon contrôle depuis un petit moment.
Il fait chaud à 40 dans une classe. Il y a de la laine, de la colle et des ballounes qui glissent des mains. Partout.
- J'ai des chaleurs, me confie ma collègue. Il faut que je me parle, je suis étourdie.
Exit, l'optimisme.
Moi, je console les anxieux qui pleurent, j'essaie fort de recoller des morceaux de laine. Une chance que deux profs expérimentées arrivent à notre rescousse. Elles rafistolent les boules en chantant des chansons de Noël. Les enfants n'y voient que du feu.
À l'heure des autobus, on fait des câlins pleins de colle avant de tenter de sauver nos tristes oeuvres. Je recolle les boules suspendues à quatre pattes (encore) alors que ma collègue nous saupoudre de brillants, les bricos et moi.
La vérité, c'est que ce sera brillant, mais que ça ne tiendra pas.
On ose enfin s'arrêter et se regarder entre les boules dégoulinantes. On vient clairement de perdre un combat et j'ai besoin de son optimisme légendaire:
- On va leur dire quoi lundi?
On hésite entre rire et pleurer. Une chance qu'elle est là:
- On leur dira que les lutins les ont toutes prises.
Je l'aime.