Petites histoires deviendront grandes

Encore un matin sur la cour des minis. L'histoire, après tout, commence toujours ainsi.

Entre les balançoires et le carré de sable recouvert de verglas, je m'agenouille devant ma petite fée:

- Viens, je vais te dire un secret dans ton oreille.

La petite s'approche, mais n'écoute en rien ce que je murmure. Elle déplace ma tuque, cherche mon oreille pour y glisser des bruits de chuchotements incompréhensibles:

- Pissipissipissipissi.

Elle n'a pas compris qu'un secret implique non seulement des chuchotements, mais aussi de dire des mots pour vrai.

La cloche sonne. On se dirige vers les portes. Je suis entourée de tuques sautillantes aux grands yeux de monstres et de petits hiboux.

Dans ma main, une mitaine rose s'est glissée.

- Dans ma poche, j'ai un lipicil de chat, me confie fièrement la propriétaire de la mitaine.

En classe, ma mini-moi de première année remarque un écureuil dans le coin d'une illustration d'un livre qui ne parle justement pas d'écureuil.

- Ça me rappelle Petit Poil. C'est un écureuil qui vivait chez nous et qui est parti. Après, il est revenu avec deux petits Petit Poil parce qu'il était une maman finalement.

Puis, une autre a mal au coeur, très mal au coeur. Sa voix est minuscule:

- J'aimerais que tu tiennes ma main.

Alors on reste là, elle et moi, en attendant que papa soit là. Avec sa petite main dans la mienne et son virus blotti entre nous deux.

Je me demande souvent ce que je ferai de ces récits de petites choses, de ces existences à la fois infimes et immenses.

Je sais seulement que, chaque jour, c'est dans ces détails les plus petits que je parviens à grandir.

Petites histoires deviendront grandes.