J'ai trois copies du roman Les villes de papier à la maison. Il est difficile pour moi d'expliquer ma fascination pour cette oeuvre et son auteure. Ce roman fait partie du corpus de mon projet doctoral, tout comme un autre de ses titres : Au péril de la mer.
Cet automne, alors que Les villes de papier était finaliste pour divers prix, notamment en France, une entrevue publiée par Radio-Canada m'a particulièrement inspirée.
Dans l'entretien accordé au journaliste, Dominique Fortier explique «l'image» à l'origine de son roman : une femme dans une chambre qui écrit. Cela m'a semblé d'une grande simplicité, mais aussi d'une grande vérité. Et je me suis promis de m'inspirer de livres comme celui-ci pour mon projet de création.
Il n'est pas question ici de réécrire Les villes de papier, plutôt de puiser, dans les oeuvres de mon corpus, ce qui, de la langue, de la forme, des thèmes ou des procédés choisis par les auteures, est susceptible de nourrir ma propre écriture.
Des villes de papier tout particulièrement, je retiens l'idée d'exploiter un seul lieu (un phare et ses alentours, peut-être) et un petit nombre de personnages. Je garde aussi la forme fragile et délicate, fragmentée, de cette oeuvre, un peu à l'image de l'herbier que la protagoniste, Emily, alimente tout au long de sa vie.
Cela m'amène à faire une parenthèse en lien avec l'approche géopoétique que j'ai choisie pour mon projet doctoral, et ce, tant pour la partie recherche que pour la création. Dans le troisième chapitre de son ouvrage Pour une géographie littéraire (2014), Michel Collot propose de «revenir à une définition plus strictement littéraire de l'approche géopoétique comme l'étude des rapports entre l'espace et les formes et genres littéraires. [...] il ne s'agit plus de repérer des référents géographiques, mais des structures spatiales, voire des schèmes assez abstraits, qui informent les thèmes mais aussi la composition de l'oeuvre.» (p. 121).
En d'autres mots, je pourrais analyser les oeuvres de mon corpus de manière à déterminer si les lieux qu'elles mettent en scène (rives ou jardins) ont une influence sur les thèmes principalement abordés, le type d'histoire proposé, mais aussi sur la forme et le genre des textes. Si je prends en exemple la forme fragmentée des Villes de papier rappelant l'herbier de sa protagoniste, pourrais-je m'attendre à ce que les autres récits présentant des jardins prennent aussi des formes plus brèves? Quant aux histoires souvent très personnelles et intimes fleurissant dans les jardins, serait-ce un hasard ou alors un effet du lieu choisi par leur auteure? Devrais-je alors émettre l'hypothèse que les textes littéraires dont les personnages évoluent sur des rives soient aussi marqués par des formes et des histoires leur étant propres?
Enfin, des Villes de papier, car c'était là le sujet de ce billet, je conserve l'importance de l'écriture en elle-même. Dominique Fortier a déjà écrit (peut-être dans Pour mémoire : Petits miracles et cailloux blancs, c'est à vérifier) ou dit qu'elle appréciait avant tout certains livres non pas pour leur histoire, mais plutôt pour la beauté de leur écriture. C'est le défi que je me donne aussi. J'y reviendrai lorsque je saurai mieux le définir et expliquer les moyens à prendre pour y parvenir.
Collot, Michel. (2014). Pour une géographie littéraire, José Corti.
Fortier, Dominique. (2019). Les villes de papier, Alto.
Fortier, Dominique. (2019). Pour mémoire : Petits miracles et cailloux blancs, Alto.
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