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Photo du rédacteurMarie-Andrée Arsenault

La voix

Dernière mise à jour : 28 nov. 2020

Comment mes lectures sur les rives et le territoire me ramènent à la voix


J'aime les hasards. Principalement les hasards me guidant vers de nouvelles pistes et me permettant de faire se croiser des chemins.


En visionnant le film «Je m'appelle humain» dans lequel on présente un portrait de la poète Joséphine Bacon, j'ai eu envie de pleurer à plusieurs reprises. Toujours lorsque les plans de caméra nous ramenaient, avec la poète, sur les rives du territoire de son enfance. À l'intérieur de moi, une voix s'imposait alors, trop forte pour être supportable : il me fallait retrouver mes rives à moi.


Ce rapport à la voix n'a jamais fait partie de mes points d'intérêt. Or, depuis que j'ai commencé à réfléchir à mon projet de doctorat, j'ai tenté de formuler l'hypothèse voulant que les personnages littéraires campés sur des rives soient porteurs de voix plus fortes, assumées et tournées vers l'ailleurs et l'inconnu que les personnages prenant racine dans les lieux clos des jardins.


Dans «Je suis humain», on revit les balbutiements du collectif Aimititau! Parlons-nous! dirigé par Laure Morali (2008) et dans lequel Joséphine Bacon a publié quelques échanges avec José Acquelin. Cela m'a fait découvrir cette publication dans laquelle une poète que j'aime beaucoup, Rita Mestokosho, a été jumelée à Denise Brassard, la directrice de ma maitrise en études littéraires. Ma curiosité étant piquée, j'ai amorcé la lecture de leurs messages.


Dans ceux-ci, Denise Brassard parle de son rapport aux rives d'un lac devant lequel se trouve le chalet où elle se réfugie pour écrire. Situé sur le vaste territoire du Lac Saint-Jean, dont elle est originaire, cet abri lui permet de rédiger une première réflexion à partager avec Rita Mestokosho. Dans sa lettre, elle se remémore les cueillettes de bleuets de son enfance et les longues heures de contemplation du lac y étant associées. Cueillette, rive et enfance. Il s'agit là de thèmes qui me sont chers.


Je semble m'éloigner du sujet de ce billet, la voix, mais je m'en approche au contraire. Car Denise Brassard confie à sa destinataire, au tout début de cette série d'échanges, qu'à la veille de son départ pour ce refuge au pays de son enfance, une laryngite s'est déclarée, lui faisant perdre la voix. «Ma voix de prof, d'universitaire fatiguée devait s'exténuer, muer, afin que je retrouve ma voix d'enfant, la seule qui tienne ici, la seule que les canards puissent entendre» (p. 40).


Retrouver sa voix. Sa voix intérieure. Sa voix d'enfant. Trouver une voie aussi. La bonne. Celle qui nous est propre. C'est dans cette phrase attrapée au vol, entre deux gorgées de café, un dimanche, que j'ai ressenti le besoin de commencer à coucher sur papier mes réflexions. Simplement pour ne pas perdre de vue les liens se tissant, les ponts se bâtissant doucement, en toute fragilité.


Je poursuivrai ma lecture de cette série d'échanges tout comme je me promets de plonger rapidement dans Tisser des voix, de Rachel Bouvet (2019). Dans cette publication tantôt essai, tantôt récit, la protagoniste perd la voix et se met à écrire pour reprendre possession de son corps. C'est par l'écriture qu'elle tente de retrouver sa voix intime, et ce, entre autres grâce à la relation étroite qu'elle vit avec le paysage. Au tout début du livre, il est d'ailleurs question du silence. «Souvent, écrit Bouvet, c'est le lieu lui-même, sa beauté, qui nous force au silence, nous laisse sans voix» (p. 8). Je n'avais pas songé au fait que la question de la voix me ferait peut-être explorer celle du silence. Autre élément intéressant : la voix ramène aussi à la parole. Dans Tisser des voix, on aborde la question de l'apprentissage de la parole et donc du langage, ce qui touche énormément l'enseignante de français que je suis. Cette enfilade de thèmes qui semblent soudainement tellement liés les uns aux autres me fascine.


Le rapport à la voix sera-t-il important dans ma propre réflexion et dans l'oeuvre de création qui en découlera? C'est assurément à explorer. Une réflexion à poursuivre.


Bouvet, Rachel. (2019). Tisser des voix. Mémoire d'encrier.


Brassard, D. et Mestokosho, R. (2008) «Eau, enfance, écriture, esprits, émotions, Ekuanitshit». Dans L. Morali (dir.). Aimititau! Parlons-nous! Textes rassemblés et présentés par Laure Morali. Mémoire d'encrier.

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