Ou revenir à mes premières amours
Au baccalauréat, j'ai été marquée par l'oeuvre de Duras et par les cours que j'ai eu la chance de suivre pour m'aider à mieux saisir l'univers de cette écrivaine. C'est pourquoi, lorsque ma directrice m'a suggéré de lire Les lieux de Marguerite Duras (Michelle Porte, 1978, 2012), je me suis empressée de mettre la main sur un exemplaire de ce titre.
Je puise en ces entretiens des pistes intéressantes pour mes recherches. J'en retiens trois pour le moment.
Tout d'abord, le rapport qu'entretiennent les femmes avec le fait d'habiter un lieu, lequel serait, pour Duras, plus puissant que celui vécu par les hommes. Duras affirme que, selon elle, seule une femme peut adhérer complètement à un lieu sans s'y ennuyer. Elle attribue cela au fait qu'une femme a elle-même la possibilité d'être une demeure pour l'enfant à naitre. Son corps est demeure. Elle va même jusqu'à proposer que la maison d'une femme devienne l'extension du corps de celle-ci, ce qui pourrait expliquer son rapport particulier, plus intense, au fait d'habiter.
Dans la partie création de mon projet doctoral, si je souhaite exploiter l'enfance, ce sera bien plus dans la mémoire de celle-ci, dans sa nostalgie, que dans une relation mère-enfant. Sachant cela, la protagoniste, si elle n'est pas mère, aura-t-elle le même rapport à l'habiter que d'autres ayant déjà porté un ou des enfants? Y aura-t-il plutôt nécessité, pour elle, de combler un vide en réinvestissant autrement l'espace? En s'en libérant peut-être? En s'en dénaturant (si l'expression est possible)? C'est à explorer.
Une autre piste à suivre, pour la partie recherche de mon projet principalement, serait celle des sorcières. Duras parle en effet de la «voix de la liberté» en faisant référence au langage que les femmes auraient appris à parler en découvrant comment communiquer avec les animaux et les plantes. Cette voix, rappelle-t-elle, parce qu'elle a éloigné les femmes de leur maison (et de leurs devoirs) en les rapprochant de la nature, a fait peur, de là le fait qu'elles aient été «punies» lors des chasses aux sorcières. C'est là bien sommairement résumé, car rapidement évoqué par l'auteure lors de l'entretien, mais j'en retiens qu'il y a là un rapport à approfondir, plus précisément pour la connaissance ancestrale des plantes et de leurs vertus (qu'il me sera possible de rattacher aux savoirs nécessaires pour entretenir un jardin, mais peut-être aussi à la cueillette possible sur les rives).
Enfin, Duras consacre une partie de sa réflexion à la forêt qu'elle associe à l'enfance (jeux, témérité, exploration) et à la folie (à cause des dangers propres à ce lieu rempli d'inconnu?). Alors qu'elle explique l'angoisse que génère pour elle la forêt, elle l'associe par le fait même à la musique en expliquant que c'est un art qui l'effraie. Je me demande si cette association entre nature et musique est fréquente, car j'ai lu dans La fraicheur de l'herbe (Corbin, 2018) que George Sand (1843) associait pour sa part le parterre à la musique dans Consuelo. Sachant que je m'intéresse aussi à la question de la voix/voie, il pourrait être intéressant de fouiller aussi du côté de la musique.
Note : on retrouve facilement sur le web les entretiens vidéo ayant précédé la publication du livre du même titre. Ajouter les références de ces vidéos (ou de plus pertinentes) à ma bibliographie.
Duras, M. et Porte, M. (1978, 2012). Les lieux de Marguerite Duras, Les éditions de minuit.
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